2011-12-12 02:23:29 UTC
Prenons quelques exemples.
« Soldats, pensez que du hauts de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent ».
Cette phrase superbe est attribuée à Bonaparte à la bataille des pyramides. Problème : aucun témoin ne la mentionne et Napoléon, trop heureux que ce « mot » soit colporté, s’est bien gardé de le nier, lui qui a pris soin toute sa vie à écrire sa légende.
« Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes ! »
Celle-là est de Mirabeau au début de la Révolution de 1789. Les députés du Tiers Etats siègent alors dans la salle des menus plaisirs à Versailles et la fronde de ces élus prétendant représenter la Nation déplaît au pouvoir. A l’envoyé du roi, il aurait donc lancé ce trait, superbe lui aussi.
Problème : d’après les témoins, le rôle de Mirabeau n’a aucunement été prépondérant dans l’affaire. Lorsqu’on a demandé aux députés de sortir, il y a eu des protestations de toutes parts : « Non ! » « Nous restons ! » « On ne nous fera pas sortir ! » « Seulement par la force ! » Mirabeau n’aurait fait que renchérir : « Nous ne sortirons que par la force ! », ce qui est une phrase banale de politicien. Les « baïonnettes » ont été rajoutées après coup, de même que « la volonté du peuple ». Encore un « mot » arrangé.
« La garde meurt et ne se rend pas ! »
Waterloo, 1815. Après des assauts furieux mais mal coordonnés, les Français ne parviennent pas à briser la défense anglo-alliée, sévèrement ébranlée mais toujours présente. Pire : les Prussiens arrivent de flancs, déstabilisant la ligne française et précipitant la défaite. Pour couvrir la retraite, une partie de la Garde est envoyée, mise en carré pour se protéger des attaques de cavaliers. Elle recule lentement, tient tête au torrent mais perd beaucoup de monde. La nuit tombe et la bataille se termine. Un émissaire anglais s’approche alors du carré des chasseurs de la garde, commandé par Cambronne pour leur demander de se rendre. La légende veut qu’il ait répondu : « La garde meurt et ne se rend pas !» Or, si cela est passé à la postérité, ce n’est que l’invention d’une plume du « journal général de la France » racontant la bataille. Cambronne, blessé, laissé pour mort, est ensuite parti en exil en Angleterre, a épousé son infirmière écossaise et dû être surpris qu’on lui attribue cette parole. A-t-il dit « M.erde ! » ? Même pas. Il s’en est toujours défendu. D’après des témoins, il aurait plutôt envoyé l’officier rosbif se faire f…, ce qui n’est guère mieux. Bref, encore un « mot » apocryphe.
« Et pourtant, elle tourne ! »
Chacun a en mémoire cette parole de Galilée, prié par l’Inquisition de reconnaître ses thèses hérétiques. Là encore, c’est faux. Il a fait amende honorable et aurait risqué sa vie s’il avait persisté dans « l’erreur ». Cela aurait fait de lui un relaps, ce qui l’aurait mené droit sur un tas de fagots avec une allumette en dessous.
« Tu quoque fili ! »
« Toi aussi, mon fils ! » aurait lancé César à Brutus sur le point de le poignarder. Dans ce cas, cette déclaration n’est pas vraiment bidon mais elle est inexacte : César l’aurait dite en grec et il faut plutôt traduire par : « Toi aussi, mon petit ! »
Il n’empêche que la célèbre phase, connue même des non-latinisants est apocryphe.
On pourrait en ajouter des dizaines. La mémoire humaine est ainsi faite qu’elle a tendance à arranger, à interpréter, à confondre. Ou a réinventer un passé que l’auteur a tendance à enjoliver.
Le rapport avec les textes saints ? Mais c’est évident. Les premiers textes de la Bible ne sont que de la tradition orale couchée sur papier et les Evangiles ont été écrites 30 ou 40 ans après les faits. Quant au Coran et à la littérature musulmane (hadith, sunnah, etc…), il ne s’agit que d’une compilation tardive de notes éparses, de versets appris ou d’histoires circulant sur Mahomet (c’est à dire des racontars). Les intéressés seraient très surpris de tout ce qu’on a pu mettre dans leur bouche, à coup sûr.
Qu’en pensez-vous ?