Le critère fondamental de toute civilisation n'est-il pas la possibilité de satisfaire les besoins de chacun ?
Ces besoins sont d'ordre basique élémentaire, les autres étant d'ordre supplémentaire.
Les premiers sont la faim, la soif, la protection des siens dans un "foyer".
Les seconds sont l'instruction, le désir de plaire, le désir de créer, le désir d'augmenter le confort de la vie.
Si ces rappels te conviennent, pourrais-tu dire en quoi les civilisations occidentales ne parviennent pas à y répondre, ou en quoi démériteraient-elles dans cette tâche, en comparaison avec les autres civilisations ?
Il me semble évident, que les civilisations occidentales, ont pensé très tôt les nécessités liées à ces questions.
C'est largement ce qui s'est produit en Grèce, près de huit cent ans av. J.C, et cela s'appelle encore philosophie.
Ainsi est née cette identité singulière que nous appelons L'Europe.
Un philosophe allemand, Edmund Husserl, au siècle dernier, a montré que l'Europe, correspond à la cristallisation d'un certain nombres d'idées qui sont apparues, dans l'attitude philosophique qui est née en Grèce.
Husserl dit par exemple que l'Europe est née en philosophie !
La caractéristique majeure de cette attitude est, au-delà de l'étonnement devant le monde, l'aptitude décisive à penser des notions infinies.
Cela permet à Husserl de dire que lorsque des hommes, quelle que soit leur terre, quelles que soient leurs origines ethniques, sont capables de concevoir des idées infinies, allant au-delà de la dimension "locale" des concepts "locaux", alors nous sommes en Europe.
Si un indien comme un australien ou comme un Burkinabé, sont capables de concevoir au-delà de leurs préoccupations locales, et des aspects locaux que les questions qu'ils se posent concernent l'humanité entière, alors on est comme en Europe.
Les européens, en ce sens, ce sont ces gens qui parviennent, vaille que vaille, ayant été enseignés, éduqués et formés à l'usage des outils que la pensée européenne a créés, à participer à l'édification de sociétés où est affirmée la valeur de l'homme en tant que membre de la cité.
Cet homme sait que l'organisation de la cité lui reconnait des droits fondamentaux. Il comprend, que selon les principes du Droit, il est en dignité égale avec n'importe lequel de ses concitoyens.
Il est averti des intentions et des projets communs que la cité est en mesure de décider, et de poursuivre, il sait enfin qu'il est un acteur de la réalisation du projet.
Ainsi, lorsque sur une terre, des hommes sont esclavagisés, instrumentalisés, et manipulés par d'autres hommes de façon totalement arbitraire, ou bien au nom de principes qui visent à garantir les intérêts d'une minorité, qui exploite les autres, sans droits, sans recours, alors, on n'est plus en terre civilisée, on est en terre de sauvages.
Si tu connais beaucoup de lieux, où les principes européens sont appliqués concrètement, alors il n'y a pas lieu de se lamenter.
Il faudrait peut-être aussi réfléchir à la notion de culture. L'orientation des idées a entériné une acception de ce terme comme "ensemble des activités". Alors qu'auparavant on entendait par culture, l'ensemble des références qui avaient servi à éduquer des gens pour en faire des citoyens un peu plus éclairés que la moyenne.
Le fait est que l'acception récente a jeté dans la culture aussi bien le fait de faire de la mayonnaise que de la planche à voile, de danser la salsa, de manger du hareng saur, de boire du kir, de fêter halloween d'écouter du hard rock etc. Tu vois les effets pernicieux de la chose. Par exemple si tout est culturel, qu'est-ce qui distingue les pratiques nazis des danses rituelles chez les yanomanis ?
Ne faudrait-il pas convenir que la culture ne se réduit pas aux pratiques. La culture n'est-elle pas ce qui permet à des hommes de s'affranchir de l'agressivité que nourrit leur violence naturelle, n'est-elle pas ce qui est fait d'acquis, bien assimilés, et de capacité de vivre son humanité en cherchant ce qui peut grandir l'homme dans ses activités ?
La culture, en ce sens, pour moi et pour la distinguer des pratiques, devrait s'appeler Culture. Elle est faite autant de références que de la compréhension que les hommes, n'étant pas des choses sont invités à oeuvrer dans le sens d'une amélioration de la condition humaine.
On en est peut-être bien loin.